Sebastião Salgado 🟨 Photographe humaniste

Sebastiao Salgado a été récompensé par tous les prix qu’un photographe peut espérer recevoir. Ses images en noir et blanc, des photos de théâtres de guerre ou de souffrances humaines, sont accrochées dans les musées, les galeries et les collections privées du monde entier.

Sebastião Salgado 🟨par Sylvie Gendreau, fondatrice des Cahiers de l’imaginaire, le laboratoire créatif

Sebastião Salgado 🟨par Sylvie Gendreau, fondatrice des Cahiers de l’imaginaire, le laboratoire créatif

Au sortir d’une crise psychologique…

Au milieu des années 90, Sebastiao Salgado a traversé ce qu’il nomme lui-même une crise psychologique profonde. Ce sont les génocides rwandais et bosniaques qui lui ont fait comprendre qu’il était temps pour lui d’orienter son travail dans une tout autre direction.

Ce vers quoi il s’est penché, et qui continue de l’intéresser encore de nos jours, c’est le sort que les humains réservent aux autres espèces vivantes.

Retour aux sources

Ce revirement correspond à un retour aux sources. L’héritage visuel du photographe s’est forgé à partir des souvenirs qu’il a conservé des montagnes qui l’ont vu naître, dans les années quarante, dans la forêt amazonienne brésilienne. Des montagnes qui ont connu l’assaut de la déforestation, mais qui sont en voie d’être replantées, grâce à la fondation que le photographe a mise sur pied avec sa femme qui est aussi sa partenaire. En 20 ans, ils ont planté plus de deux millions d’arbres.

Un héritage visuel et intellectuel

Il n’y a pas que l’héritage visuel. Il y a aussi l’héritage intellectuel. Sebastião Salgado est économiste. Il détient un doctorat en macroéconomie. Il qualifie cette discipline, qui recoupe à la fois les finances publiques et l’économie politique, les théories de Keynes et de Marx, de « sociologie quantitative ». Pour lui, sa formation d’économiste a constitué un véritable entraînement dont il a conservé les méthodes et les pratiques. Il aborde ainsi un nouveau projet en lisant une multitude d’ouvrages en philosophie et en science politique. Tout au long de sa longue carrière, il s’est constitué une boîte à outils dans laquelle il a recours pour analyser et comprendre un nouveau thème.

On reproche parfois au photographe que ses clichés sont trop léchés. Les images sont trop belles, alors que le sujet traité est souvent glauque. Il rétorque aussitôt que ce n’est pas son problème. Il explique qu’il ne peut en être autrement. À l’instar d’un écrivain — il cite en exemple un de ses amis, Gabriel Garcia Marquez — il a son style propre et il ne peut en déroger. Garcia Marquez lui a parfois donné un coup de main pour aborder certains sujets, et il lui rappelait souvent qu’il n’avait, somme toute, qu’écrit et réécrit la même histoire tout au long de sa vie. Pour le photographe, la seule distinction est que la photographie fait appel à l’image, une forme de langage tout aussi formel et esthétique.

La photographie, c’est ma vie. Je vis avec la photographie. Je vis la photographie.
— SebastiĂŁo Salgado

Vivre contre la lumière

Sebastião Salgado dit ne voir qu’en noir et blanc. Un jour à une de ses expositions, il a entendu un professeur d’art expliquer à ses éléves qu’l photographiait toujours à contre-jour.

Il n’y avait encore jamais pensé, mais il s’est dit, c’est tout à faire cela, je photographie contre la lumière.

Sebastião Salgado a grandi dans un pays inondé de soleil avec une peau claire. Sa mère et ses sœurs veillaient à ce qu’il porte toujours un grand chapeau pour protéger sa peau du soleil. Pendant toute son enfance, il a vu le monde contre la lumière.

Un grand témoin

Pour autant, et ce malgré le succès planétaire dont il bénéficie, autant de la part du public que des critiques d’art, Sebastião Salgado ne se considère pas comme un artiste. À l’occasion d’une exposition d’art africain dans un musée de Barcelone, en compagnie de son épouse, le photographe contemplait avec admiration des outils de travail et des pots pour transporter de l’eau. À l’époque où ils ont été fabriqués, il ne s’agissait pas d’objets d’art mais de simples accessoires de la vie quotidienne. Au fil des ans, ils sont devenus des objets d’art parce qu’ils racontent une histoire. Sebastião Salgado souhaite qu’il en soit ainsi de ses photos. Dans 50 ou 60 ans, peut-être seront-elles considérées comme des références, des témoins qui raconteront une histoire désormais révolue.

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