Les Cahiers de l'imaginaire

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<strong>đź”´ Est-ce bien mon visage ?</strong>

Le selfie est-il vraiment une image de soi ?

Le selfie est partout. Il agace, mais de toute évidence il doit bien correspondre à un quelconque besoin de faire preuve d’une telle omniprésence. 

Révisé 7 juillet 2020

Photo : Patrice, 2019, Bonnita Postma Est-ce bien mon visage ? par Sylvie Gendreau

Dans son livre The Road to Character, David Brooks rappelle, si tant est besoin, que les réseaux sociaux encouragent, forcent même, les individus à « diffuser » sous tous les angles peu importe ce que nous sommes en train de faire, peu importe l’heure. 

Ce que nous sommes, notre personnalité, doit être vu et su de tous. Nous cherchons, désespérément, l’approbation sociale, et nous craignons plus que tout l’exclusion. Bon gré, mal gré, nous nous sommes engouffrés dans une lutte hyper compétitive pour attirer le plus d’attention possible. L’objectif : accumuler le plus de « likes » possibles. 

Le selfie est-il vraiment une image de soi ? S’agit-il de la réalité ? Lorsque nous nous comparons, aux autres selfies, réussissons-nous à nous consoler ? Ou ressentons-nous plutôt un sentiment d’infériorité face à ce qui, en apparence, semble plus beau, plus riche, plus performant. 

Bonnita Postma réalise des collages. Il s’agit de portraits d’individus qu’elle ne connaît pas. Elle collecte différents clichés qui sont des portraits de la même personne, prises à des âges différents. Elle découpe les photos et reconstitue un portait multi-âge. 

Ces collages constituent une composition « universelle » qui nous questionne sur l’identité de celui ou de celle qu’ils représentent. 

On ne se pose guère de questions lorsque l’on regarde un selfie. On reconnaît immédiatement de qui il s’agit. À l’inverse, et avec une économie de moyens — les collages sont imparfaits, ils sont sont souvent conçus à partir de clichés abîmés et déchirés — ils nous questionnent sur le parcours de vie du protagoniste. Bonita Postma, elle, s’interroge sur l’attribution du genre, féminin ou masculin, à un individu aux premières pages de la vie. Mais ses collages révèlent d’autres facettes du développement de la personnalité, facettes qui sont réunies dans un seul collage. 

D’autres artistes réalisent des portraits puissamment évocateurs, en adoptant une approche à l’opposé. Mary Gelman, dont il sera question dans un prochain billet, procède à une recherche exhaustive, avant la prise de vue. Contrairement à Bonita Postma, qui ne connaît rien des individus qui servent de base à ses collages, Mary Gelman, sociologue de formation, se documente, rencontre à maintes reprises ses sujets, et leur demande d’étayer avec le plus de précisions possibles leur histoire. 

Pour Mary Gelman et Platon *dont je vous ai déjà parlé, circonscrire un territoire très serré, constitue un territoire fertile pour atteindre le degré d’expressivité et de véracité dans leurs portraits. Pour Mary Gelman, il s’agit d’un minuscule village russe, Svetlana ** une communauté située à l’est de Saint-Pétersbourg, dans laquelle vivent une vingtaine de handicapés ; pour Platon, il s’agit d’un petit banc de bois, toujours le même, sur lequel il fait asseoir ses invités pour les photographier. 

Dans les cours de La Nouvelle École de Créativité, nous travaillons beaucoup sur la connaissance de soi et l’identité, car avant même de construire son image publique et ce que nous souhaitons créer, projets ou Ĺ“uvres, et diffuser sur les réseaux sociaux, cette recherche revêt une double valeur, l’image projetée est de plus en plus authentique et beaucoup plus attirante, car elle est reconnue comme telle par ceux et celles qui la regarde.

Envie de tenter l’expérience ?

Découvrez l’exercice 131

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* Platon
** Svetlana