Les Cahiers de l'imaginaire

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<strong>LES ENFANTS 🔲 au secours de l’intelligence artificielle</strong>

Actuellement, même les ordinateurs les plus puissants ne parviennent pas à apprendre aussi rapidement que le cerveau d’un enfant de 5 ans.

Les enfants apprennent à une vitesse grand V et ce, en dépit de l’input parfois limité de leurs professeurs ou de leurs parents. Ils acquièrent d’eux-mêmes une quantité impressionnante de connaissances avec une avidité et une propension innées.

Révisé 10 juillet 2020

Photo Pierre Guité, Les enfants au secours de l’intelligence artificielle par Sylvie Gendreau

Est-ce que cette capacité d’apprentissage peut être transmise aux ordinateurs ?

Dans le domaine de l’apprentissage artificiel, deux mécanismes sont à l’oeuvre :

1. L’approche bottom-up

Le logiciel mime le comportement du cerveau humain en s’alimentant à partir de sons et d’images. Il se met ensuite (tout comme le cerveau) à la recherche de motifs. Il tisse ensuite des réseaux de connexions entre les données : les réseaux neuronaux. Cette capacité à connecter des données et à en déduire des liens signifiants est à la base de plusieurs systèmes intelligents en opération (Google, Facebook, systèmes qui permettent de filtrer les pourriels, etc.).

2. L’approche top-down

À l’inverse de l’approche bottom-up, l'approche top-down démarre à partir d’un modèle préalable qui rend compte de la réalité étudiée à partir d’hypothèses. Le logiciel se met en route, analyse les données captées, et émet ensuite des prédictions sur le comportement du système étudié. Le logiciel corrige ensuite le modèle sur lequel il a été construit et ajuste automatiquement ses prédictions en analysant les résultats obtenus.

L’approche top-down se rapproche de la façon dont le cerveau d’un enfant fonctionne. L’enfant en bas âge est appelé à passer rapidement d’un système de croyances à un autre par l’expérimentation : en manipulant des objets, en menant d’innombrables micros-expériences dans son environnement immédiat, l’enfant enregistre une multitude de données, révise constamment les relations de cause à effet et élabore petit à petit des modèles prédictifs. Le mode opératoire d'un enfant en apprentissage peut être mis à profit pour apprendre aux ordinateurs à apprendre.

L’enfant apprend en faisant ce que l’adulte continue de faire tout au long de sa vie : Il assimile les règles de base qui lui sont fournies, exécute, compare ensuite les résultats obtenus et corrige le tir si nécessaire.

Plusieurs chercheurs, dont Alison Gopnik de l’Université Berkeley en Californie, analysent les stratégies d’apprentissage des enfants, et en déduisent des stratégies d’apprentissage pour l’élaboration d’algorithmes d’apprentissage.

Par exemple, pour le tracé et la reconnaissance des caractères écrits, un modèle générique d’écriture est développé. Il s’agit d’un ensemble de règles sur la façon d’écrire une lettre de l’alphabet : le tracé d’une ligne de gauche à droite ; le fait que le tracé d’une lettre doit être terminé avant d’en écrire une autre, etc. Le logiciel se met en opération, compare les résultats obtenus et modifie au besoin les règles d’exécution.  

Les avantages de l’approche top-down sont nombreux.

Quelques exemples suffisent pour que le logiciel démarre et que des modèles génériques soient développés rapidement. Toutefois, contrairement à l’approche bottom-up où aucune règle préalable n’est requise mais qui exige un très grand nombre de données (données massives), un travail significatif est nécessaire en amont pour définir le modèle de départ.

En fait, les enfants, même s’ils ont une propension pour l’approche top-down, font aussi appel à l’approche bottom-up. Ils peuvent démarrer une séquence d’apprentissage avec un ou deux exemples seulement (top-down), mais ils peuvent aussi extraire de nouveaux concepts à partir des données traitées (bottom-up) et en déduire de nouvelles règles d’inférence, de nouvelles relations de cause à effet.

Les enfants sont d’excellents apprenants.

Ils sont mus par une soif d’apprendre qui s'estompe parfois chez les adultes. Alison Gopnik passe en revue les stratégies d’apprentissage que les enfants utilisent et qui peuvent, si elles sont mises en application par des adultes dans le cadre de projets créatifs et d’innovation, produire des résultats intéressants.

Premièrement,

ils comprennent les causalités.

Pour un problème donné, il s’agit de graphiques prédictifs illustrant les relations de cause à effet ainsi que les résultats escomptés. Les enfants peuvent d’eux-mêmes faire la différence entre différentes variables en identifiant quels sont les effets communs, les causes communes et les chaînes de causalité. Ils peuvent associer leur bagage de connaissances à de nouvelles données et améliorer ainsi leur capacité de déduction et de prédiction.

Deuxièmement

ils ont naturellement tendance à créer des taxonomies.

Il s’agit d’une technique particulièrement efficace, dans l’apprentissage d’une langue par exemple, pour la mémorisation de mots nouveaux.

Troisièmement

ils font des modèles hiérarchiques.

Ce sont des modèles plus abstraits. Ils peuvent être réalisés en effectuant des croisements entre deux domaines de connaissances différents. À partir de l’âge de 4 ans, par exemple, des enfants parviennent à réviser en écoutant un conte qui leur est raconté, leur système de croyances : le héros mange du fromage ; le héros vit une expérience traumatisante ; selon le contexte, l’une ou l’autre des causes peut entraîner un mal de ventre.  

Quatrièmement

un bébé de 20 mois est capable de formuler mentalement
des énoncés explicites par rapport à un ensemble de données.

Il peut, par exemple, déduire une préférence lorsqu’un adulte sélectionne, d’une façon qui n’est pas due au hasard, un certain nombre d’objets parmi d’autres.

Cinquièmement,

les enfants recourent à différentes sources pour obtenir leurs informations.

des données perceptuelles, socio-culturelles, etc. Cette stratégie est cohérente avec les modèles probabilistes utilisés en intelligence artificielle qui eux aussi puisent dans un très grand nombre de données différentes.

Sixièmement

les règles de complexité croissante.

Les enfants d’âge pré-scolaire préfèrent des explications avec un nombre réduit de variables de causalité. Avec l’âge, en introduisant un plus grand nombre de variables, ils abandonneront leurs modèles naïfs pour des modèles de connaissances plus réalistes incorporant un plus grand nombre de variables. Encore là, cette stratégie est conforme à l’approche top-down, dans laquelle on troque progressivement les modèles simples pour des modèles complexes qui rendent mieux compte des données réelles accumulées.

Apprendre à apprendre est définitivement une compétence clé essentielle.

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Références :

Gopnik, Alison. Artificial intelligence has staged a revival by starting to incorporate what we know about how children learn. Scientific American, June 2017, p. 61.

Gopnik, A and Bonawitz, E. Bayesian models of child development. Cognitive Science. Volume 6, March/April 2015.