Les Cahiers de l'imaginaire

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<strong>Dessins muraux 🔘 SOL LEWITT </strong>

La présentation des dessins muraux de l'artiste américain, SOL LEWITT est un exploit.

Depuis son ouverture à METZ, le Centre Pompidou cumule les réussites. Cette volonté de ne pas reproduire les expositions de Paris, mais plutôt de conduire de vrais projets d'expositions attire une clientèle internationale. Exposition d'une envergure sans précédent en Europe, le Centre Pompidou Metz a donné à voir l'ensemble le plus important de Wall drawings jamais présenté encore en Europe.

Révisé 5 juillet 2020

On se sent hypnotisé au milieu des lignes bien tracées et des formes géométriques réalisées à la perfection. L'artiste conceptuel aurait sans doute apprécié. La galerie 2 se prête à merveille à l'exercice. L'agencement y est parfait. Trente-trois Å“uvres, parcourant l'ensemble de sa carrière, de ses débuts à ses dernières réalisations. Les dessins sélectionnés illustrent à la fois la cohérence de ses explorations systématiques des formes (séries et combinaisons rigoureuses d'éléments géométriques) et la diversité de ses pratiques, de l'évolution des formes aux matériaux utilisés (crayon à mine, pastel gras, lavis d'encre, peinture acrylique et graphite).

Un collectif réussi

Ce qui rend le projet encore plus intéressant, c'est le partenariat exceptionnel qui a été développé avec des écoles d'art et d'architecture du Grand Est. Superbe chance pour 65 étudiants de quatre écoles et 17 jeunes artistes d'avoir pu participer à cette réalisation d'envergure orchestrée selon l'esprit et les règles de SOL LEWITT.

Belle façon d'éduquer sur cette figure complexe de l'histoire de l'art que représente l'artiste décédé en 2007.

Le parcours et l’approche de Sol Lewitt

Il faut déjà se mettre dans le contexte de la réalisation de son premier dessin mural. Nous sommes à New York en 1968. La guerre du Vietnam fait rage depuis quatre ans, exaspérant une partie de la population.  Des mouvements s'organisent. Paula Cooper, jeune galériste organise une manifestation pour la paix. SOL LEWITT, artiste encore peu connu à l'époque, est de la manifestation. Des artistes connus participent à l'événement dont Carl Andre, Jo Baer, Bill Bollinger, Dan Falvin, Donald Judd, Robert Mangold et Robert Ryman... chacun a sélectionné une Å“uvre majeure susceptible de lever des fonds conséquents. Contrairement à ses confrères, LEWITT propose son dessin à la vente, non pas pour un montant fixé au préalable, mais au prix du temps de sa réalisation. En proposant les services d'un artiste et de ses éventuels assistants pour créer de l'art plutôt que l'achat d'un objet d'art comme d'une marchandise, il fait  entrer l'art dans l'économie tertiaire.

Né au Connecticut en 1928, SOL LEWITT obtient son diplôme de l'école d'art graphique de l'Université de Syracuse en 1949. Il s'installe à New York en 1953 et occupe plusieurs emplois avant de vivre de son art dont celui de réceptionniste à la librairie du Musée d'art moderne de New York, emploi qui lui aurait permis de trouver sa vocation et de faire la connaissance d'artistes connus. Son travail a été exposé publiquement pour la première fois en 1963 à l'Église Saint-Marc à New York.

De 1963 à 1965, il fabrique des objets singuliers en contreplaqué teintés d'une laque monochrome qu'il pose à même le sol, en relation directe avec le lieu d'installation. Ses créations évoluent dans leur procédé de fabrication par l'utilisation de l'aluminium ou de l'acier laqué d'un blanc pur. L'artiste établit un réseau de volumes en série pour lesquels il met en scène différentes combinaisons.

Bien que le dessin occupe une place très importante dans son travail, l'artiste est plutôt considéré comme un sculpteur. Il est célèbre pour ses Structures (terme qu'il utilise pour décrire ses sculptures) fondées sur un élément géométrique basique, comme le cube ou le carré, établi en réseau.

Pour son premier dessin mural, SOL LEWITT dira :

« Je désirais créer une Å“uvre d'art qui soit aussi bidimensionnelle que possible : il paraît plus naturel de travailler à même le mur plutôt que de prendre un accessoire, de le travailler, puis de l'accrocher au mur. » 

S’ils rappellent la tradition des fresques de la Renaissance italienne, les wall drawings de SOL LEWITT marquent, dès la fin des années 1960, une évolution décisive dans l'histoire du dessin en particulier et de l’art en général.

Traduisant des processus mentaux (thought processes) conçus au préalable par l’artiste, les dessins muraux sont ensuite exécutés directement sur les murs, pour la plupart, à l’échelle du lieu d’accueil. Les dessins muraux réalisés in situ existent pour le temps de l’exposition ; ils sont ensuite détruits, conférant ainsi à l’oeuvre sous sa forme physique une dimension éphémère.

Son contenu (ou concept) reste quant à lui identique d’une présentation à l’autre. La grande majorité des dessins furent conçus pour être effectués par d’autres que l’artiste : assistants professionnels habilités par l'atelier LEWITT et dessinateurs débutants en la matière sont invités à suivre rigoureusement les instructions et diagrammes mis au point par LEWITT.

Comme énoncés par l’artiste dès 1967, l’idée et le concept priment sur l’exécution. À l’instar de musiciens interprétant une partition, les dessinateurs exécutent ainsi à leur manière les formules géométriques indiquées par LEWITT, dans le respect de l’oeuvre énoncée.

SOL LEWITT génère un nouveau rapport au domaine visuel par une nouvelle forme de perception spatiale et mentale de l'Å“uvre.

Il expliquera lui-même dans son manifeste Paragraphs on Conceptual Art (1967) :

« Lorsqu'un artiste recourt à une méthode modulaire multiple, il choisit habituellement une forme simple et disponible. La forme, elle-même, a une importance très réduite : elle devient la grammaire de l'Å“uvre dans son entité. En fait, le mieux est que l'unité de base soit parfaitement inintéressante, ainsi elle deviendra plus facilement partie intrinsèque de l'Å“uvre entière. Choisir des formes de base complexes ne peut que nuire à l'unité de l'ensemble. Recourir à la répétition d'une forme simple, c'est réduire le champ d'intervention et mettre l'accent sur la disposition de la forme. L'arrangement devient la fin et la forme devient le moyen. »

« Sa démarche conceptuelle étant plus importante que l'Å“uvre créée, il mettra en place un système de certificats d'authenticité accompagnés d'un diagramme permettant à des assistants, d'exécuter eux-mêmes les Å“uvres murales. Il s'explique en disant: "Une fois que l'idée de l'Å“uvre est définie dans l'esprit de l'artiste et la forme finale décidée, les choses doivent suivre leur cours. Il peut y avoir des conséquences que l'artiste ne peut imaginer. Ce sont des idées qui sont à considérer comme des travaux d'art qui peuvent en entraîner d'autres... » (in Sentences on Conceptual Art), Art-language, vol.1 n°1, mai 1969).

Ainsi l'idée de l'Å“uvre prime sur le résultat. Les Wall drawings réalisés par des exécutants préservent leur autonomie par la fidélité d’exécution de l'Å“uvre liée aux directives mises en place par l'artiste.

«Le Wall drawing est une installation permanente même détruite. Quand quelque chose est fait (dans l'esprit) il ne peut être défait », écrit l'artiste dans Sentences.

Présenter trente-trois dessins muraux de SOL LEWITT uniquement en noir et blanc est le parti pris adopté par le Centre Pompidou-Metz.

« Le noir et blanc sont au coeur de la conception des wall drawings de SOL LEWITT, y compris pour les oeuvres les plus colorées », explique Béatrice Gross, commissaire de l’exposition. «Les dessins préparatoires sont ainsi toujours exécutés au crayon à papier où les couleurs, pour les oeuvres concernées, sont s implement indiquées par leur initiale . Par ailleurs, le noir et blanc encadre véritablement l’oeuvre de l’artiste : ses premiers dessins sont ainsi réalisés au crayon à mine, les derniers au graphite », complète la commissaire de l'exposition.

En 2013, le Centre Pompidou-Metz présente la collection personnelle de SOL LEWITT. Ce second volet permet de refléter l’extraordinaire carrière de LEWITT non seulement en tant qu’artiste prolifique mais également en tant que collectionneur insatiable.

La Collection LEWITT, constituée principalement à la faveur d’échanges plutôt que d’achats, réunit, aux côtés d’oeuvres emblématiques de LEWITT, plus de 4 000 oeuvres d’autres artistes. Forte de plus de 250 oeuvres, la sélection présentée au Centre Pompidou-Metz a constitué la première grande exposition en Europe de la Collection LEWITT.

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Penser l’avenir


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Références :

*Les chercheurs singapouriens
**Projet de recherche IA, sculpture de Philip Beesley
***Les projets artistiques de Philip Beesley