Les Cahiers de l'imaginaire

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<strong>Artistes 🔴 au paléolithique</strong>

Les humains se sont toujours passionnés pour l’art.

Notre époque, obnubilée par le productivisme, considère souvent l’art comme une activité mineure voire même inutile si elle ne débouche pas sur une production monnayable. Plus l’oeuvre est chère, plus elle est prisée. 

L’art des mains au temps du paléolithique par Sylvie Gendreau et Pierre Guité

Cette considération à courte vue ne tient pas compte de l’importance que l’art a toujours eue, et ce, dès l’apparition de l’espèce Homo sapiens, espèce à laquelle nous appartenons tous. 

L’art paléolithique, malgré les millénaires qui nous séparent de cette période, malgré les avatars que le temps a infligé aux oeuvres qu’il a produit, ne cesse de nous étonner autant par la qualité des Ĺ“uvres que par leur quantité. 

Mais qu’en est-il des artistes qui ont produits l’art pariétal de la grotte Chauvet, ou de tous ceux qui se sont exécutés à l’extérieur des grottes et ont créé sur des parois rocheuses d’étonnants pétroglyphes.  

J’aimerais vous poser 3 questions qui n’ont été que rarement abordées jusqu’à maintenant. 

  • Quelle était la place des femmes parmi les artistes du paléolithique ?

  • Existait-il à cette époque une forme de compagnonnage, un mode de transmission des connaissances d’un maître à un élève ?

  • Les artistes de l’époque devaient-ils se conformer à des canons stylistiques ou étaient-ils libres d’innover à leur guise et d’imposer un style nouveau ?

Pour aider votre réflexion, permettez-moi de vous raconter une petite anecdote.

Il est très difficile de s’imaginer ce qu’était la vie des artistes du paléolithique. Quel était leur quotidien, dans quel contexte social évoluaient-ils ? Quels étaient les règles auxquels ils étaient assujettis ? Quels étaient leurs habitudes, leurs statuts ? Cette information ne nous sera jamais directement accessible. 

L’univers du paléolithique nous a toujours été présenté comme étant peuplé d’hommes s’adonnant à des tâches dites « nobles » pour la tribu : tailler le silex, fabriquer des armes, chasser, s’adonner à des activités artistiques. En comparaison, les femmes étaient reléguées aux tâches de subsistance : procréation, éducation des enfants, cueillette de fruits sauvages. 

  • Mais qu’en est-il vraiment ?

  • Est-il vraisemblable que les femmes aient été à ce point exclues de toute activité artistique ? 

Des chercheurs ont examiné un motif en particulier que l’on retrouve fréquemment dans l’art pariétal : les empreintes de mains. Ces empreintes ont été réalisées en projetant des pigments sur une main que l’on pose sur une surface. Elles constituent une reproduction relativement précise de la main elle-même. Il s’avère que la majorité des mains dont on peut admirer les empreintes dans des grottes de France et d’Espagne sont des mains de femmes. Ce résultat a été obtenu en analysant les différences de taille entre les index et les annulaires des empreintes de mains. 

  • Que dire maintenant des techniques de fabrication et du processus de transmission des savoir-faire ?

Dans sa forme la plus élémentaire, le processus d’apprentissage consiste à transmettre un corpus de connaissances et de pratiques d’un individu expérimenté à un apprenti. 

Une analyse stylistique des gravures réalisées sur les parois des grottes révèlent une unicité dans la composition, les proportions, et la régularité des traits.  Cette maîtrise du style n’aurait pu être réalisée que par des artistes possédant une connaissance approfondie des techniques de gravure. Un examen microscopique montre que certaines oeuvres ont été réalisées par des débutants : taille en creux superficielle ; angle déficient ; mauvaise appréciation de la résistance de l’outil utilisé ; etc. À l’inverse, l’analyse microscopique met en évidence la régularité dans l’exécution de la plupart des Ĺ“uvres. 

Les techniques de gravure paléolithique ne sont pas innées. Elles sont très certainement le fruit d’un long apprentissage qui a nécessité non seulement la passation d’un savoir-faire technique, mais aussi la transmission de codes sociaux gouvernant la production artistique comme telle. L’art paléolithique, et l’art magdalénien en particulier, a sans doute été codifié et contrôlé par des règles sociales strictes. On peut aussi imaginer un processus « collectif » de réalisation dans lequel un groupe d’individus, femmes comprises, se partageaient peut-être des tâches spécialisées correspondant à leurs talents. 

Finalement, l’art paléolithique est sans doute un art de traditions. Le savoir-faire, les codes, les règles stylistiques étaient transmises de génération en génération. Le respect des traditions avaient probablement un effet inhibiteur sur celui ou celle qui désirait sortir des sentiers battus pour mettre de l’avant une invention stylistique ou une nouvelle technique. Des exceptions existent, mais règle générale, le potentiel créateur de l’artiste était assujetti à des règles et son imagination était orientée selon une évolution technique et stylistique lente et progressive.   

À l’ère où tout est de plus en plus numérique, garder ses mains en mouvement n’est-il pas un excellent passe-temps pour évacuer le stress et qui sait peut-être inventer quelque chose qui vous étonnera vous-même !

Envie de tenter l’expérience ?

Découvrez l’exercice 145

Jeux de mains


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Référence
Fritz, Carole and all. Reflections on the Identities and Roles of the Artists in European Paleolithic Societies. J Archaeol Method Theory (2016) 23:1307–1332. DOI 10.1007/s10816-015-9265-8.